Patrimoine naturel

Dans les Cévennes Ardéchoises à la limite du plateaux Ardéchois, la commune de Valgorge fait partie depuis 2001, année de sa création, du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche.

Diversité de la faune et de la flore, savoir faire des hommes, qualité de vie, activités de pleins airs, autant de richesses dont regorge le parc et l’ensemble des ses commune. Preuve de cette richesse, la commune de Valgorge et son massif sont situés dans une zone natura 2000 et au coeur d’un espace naturel sensible (ENS).

Pour en savoir plus : www.parc-monts-ardeche.fr

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…des rivières sauvages

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Valgorge vit aussi au rythme de la beaume, une magnifique rivière qui longe le village. Le mardi 31 mai 2016 a eu lieu la cérémonie officielle de labellisation « Site Rivières Sauvages » de la Haute Beaume et de la Drobie à Valgorge en Ardèche. Ces deux rivières exceptionnelles font aujourd’hui partie du réseau des rivières sauvages labellisées de France et d’Europe.

Pour en savoir plus : www.rivieres-sauvages.fr

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UN VALGORGEOIS PEU ORDINAIRE: LE MARQUIS DE LA FARE

(Pierre GLACHANT)

“Mémoires et réflexions sur les principaux événements du règne de Louis XIV, et sur le caractère de ceux qui y ont eu la principale part”, par le marquis de LA FARE, éditions Alain Baudry et Cie, 2010

Nous savons tous qu’il était né au château de Chastanet mais il faut l’avouer, cela s’arrête bien souvent là. C’était mon cas aussi jusqu’à il y a peu. Et pourtant, Charles-Auguste, marquis de La Fare, comte de Laugères, baron de Balazuc (1644-1712), fut un personnage peu commun, truculent et libertin.

Il est aussi l’auteur de Mémoires sévères sur Louis XIV, dûment repérés par les historiens du Roi Soleil, et qui méritent pleinement l’attention. J’aimerais que l’on éprouve à leur lecture le plaisir que j’ai pu y avoir.

L’homme reste mystérieux à bien des égards et il n’existe aucune représentation avérée de lui. Des recherches à la Biblitohèque nationale n’ont rien donné car j’aurais aimé agrémenter ce texte de son portrait. On sait seulement qu’il était devenu énorme vers la fin de sa vie.

Mais commençons par le commencement. Quand Charles-Auguste naît, Valgorge se situe dans les Etats du Languedoc et le restera jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. On ignore comment il passa ses premières années, peut-être comme un petit gamin courant les bois, protégé par son titre des terribles difficultés quotidiennes pour le plus grand nombre. “J’entrai dans le monde à l’âge de dix-huit ans, et fut présenté au Roi au mois de décembre 1662”, écrit-il dans ses souvenirs, intitulés “Mémoires et réflexions sur les principaux événements du règne de Louis XIV, et sur le caractère de ceux qui y ont eu la principale part”.

– “je me rendis chez moi en Languedoc” –

Il ne dit rien de son enfance et de son adolescence. On peut se demander par conséquent s’il a gardé des souvenirs personnels de Valgorge ou s’il y est retourné, même si certains passages attirent notre attention. Il explique à un moment être “de retour de Languedoc” après un mariage. “Je me rendis chez moi en Languedoc”, indique-t-il ailleurs. Où était-il allé exactement? Avait-il fait un détour par son village natal? On ne sait, mais il est tentant d’y croire, pour nous, Valgorgeois. Quoi qu’il en soit, il est manifeste que le marquis est resté toute sa vie fidèle au Languedoc et sensible à sa destinée. Il entretenait de toute évidence des contacts avec la région qui lui permettaient de bien connaître l’ampleur de la répression contre les Protestants menée par les troupes royales à la fin du règne de Louis XIV dans les Cévennes et qu’il jugeait très sévèrenement. Un des passages les plus virulents de ses Mémoires portent précisément sur les “dragonnades” contre les Réformés. “Une autre cause de la décadence de ce Royaume a été la manière dont on a songé à détruire la religion protestante en France. Le dessein même de la détruire n’était pas sensé… (La fuite des Protestants) a causé de très grandes plaies à l’Etat”.

Bien vu! Ces propos étaient sulfureux à l’époque. Il est vrai que ses souvenirs ont été publiés après sa mort, de façon anonyme, “par le M. D. L. F.”, à Rotterdam, en 1716. On oublie souvent l’état exsangue du pays à la fin du règne de Louis XIV, en particulier dans les Cévennes et dont parle de façon si poignante dans sa correspondance l’évêque de Nîmes, Valentin Esprit Fléchier. Il ne paraît pas douteux que le marquis de La Fare était au courant de la grande misère des campagnes de France.

– “dire ce que j’ai vu” –

Les Mémoires du marquis de La Fare s’étendent de 1661 à 1693 et font une centaine de pages. Rien à voir avec les milliers de pages d’un autre chroniqueur de l’époque, autrement célèbre, le duc de Saint-Simon. L’édition moderne des Mémoires du marquis, à laquelle nous nous référons, contient également des “Matériaux pour servir à un mémoire sur l’occurence présente” du fameux duc relatifs aux années qui suivirent.

“Je vais dire ce que jai vu”, écrit La Fare sans fioritures. Militaire, le marquis a accompagné plusieurs des campagnes de Turenne, sans doute l’un des officiers les plus brillants de Louis XIV, pour lequel le marquis a conservé toute sa vie une admiration sans bornes. Plusieurs pages donnent d’ailleurs un aperçu précieux sur ce que pouvait être la guerre en ce temps-là.

Notre marquis aimait ou détestait sans retenue. Sa langue peut être acerbe lorsqu’il évoque son ennemi juré, Louvois, le puissant ministre de la guerre de Louis XIV, auquel il attribue sa disgrâce. Il se gausse drôlement de la passion du dignitaire pour une certaine Madame du Fresnoy: “celle ci, comme l’on dit, lui fit voir bien du pays, le traita comme un petit garçon et lui fit faire bien des sottises”.

– formules assassines –

Il y a aussi de jolies formules assassines sur la Cour de Versailles, comme les “rages inexprimables” de la Montespan quand elle apprit que Madame de Maintenon l’avait détrônée dans le coeur du Roi, des crises qui “achevèrent de la perdre et d’établir sa rivale”. Mademoiselle de La Vallière, une autre maîtresse du roi, est qualifiée de “sultane reine”.

Ces mots sur un courtisan, exprimés dans cette langue magnifique du 17-ème siècle: “Bellefond était d’une ambition outrée, et aimait les routes particulières et détournées; il avait de l’esprit, et même assez profond, mais peu agréable, et sujet à des imaginations creuses”. Ou encore, cette pique au sujet de la première maîtresse du futur Louis XIV, “vieille et borgnesse”, qui l’avait déniaisé.

Je ne résiste pas à citer cette anecdote qui en dit tant sur le caractère de Louis XIV, dont l’enfance a été marquée par les troubles de la Fronde. Le Roi, apprenant une défaite militaire, s’exclame devant le conseiller effondré qui vient de lui annoncer la nouvelle: “on voit bien que vous êtes trop accoutumé à de bons succès. Pour moi, qui me souviens d’avoir vu les troupes espagnoles dans Paris, je ne m’abats pas si aisément”.

On se régale souvent, on s’amuse à cette lecture et on se réjouit de découvrir cet auteur dont Valgorge peut s’enorgueillir. L’homme avait vraiment l’oeil sur les travers de ses contemporains, même si cela s’inscrivait dans une perspective nostalgique. La Fare, relevait le critique littéraire Sainte-Beuve, était un type du 16-ème siècle égaré dans le 17-ème.

– “enfants de ma Paresse” –

“L’esprit de tout ce siècle a été, du côté de la cour et des ministres, un dessein continuel de relever l’autorité royale jusqu’à la rendre despotique; et du côté des peuples une patience et une soumission parfaite…”

Pas mal, non? Plusieurs historiens ne s’y sont pas trompés. Notre marquis de La Fare est régulièrement cité, non seulement comme mémorialiste, mais aussi comme poète de cette époque auquel on doit ces vers fameux: “Présents de la seule nature/Enfantement de mon loisir/Vers aisés par qui je m’assure/Moins de gloire que de plaisir/Coulez, enfants de ma Paresse”.

Cette poésie, – il aimait composer des vers “par amusement et sans les chercher” -, a beaucoup nui à sa réputation et certains ont donné de lui l’image d’un nonchalant. On lui reproche aussi de ne pas avoir suffisamment développé ses Mémoires. Il s’est perdu dans de nombreux excès que relate Sainte-Beuve dans tout un chapitre des “Causeries du Lundi”: “le Marquis de La Fare ou un paresseux”.

C’est sans doute injuste et indubitablement cruel. Poursuivi par la vindicte de Louvois, qui ne lui aurait pas pardonné d’aimer la même femme que lui, même si, écrit-il joliment, “il y avait plus de coquetterie de ma part et de la sienne (à cette dame) que de véritable attachement”, La Fare, donc, quitte l’armée et vend sa charge en 1677 à Charles de Sévigné, qui n’était autre que le fils de la fameuse Marquise. Elle parle de lui à plusieurs reprises dans sa correspondance.

– des maîtresses, les milieux libertins, “bacchanales” et fin de vie –

La Fare aurait aussi eu pour maîtresse l’actrice La Champmeslé et entretient une longue liaison avec Madame de la Sablière, qui tenait un salon réputé à Paris fréquenté par les beaux esprits de l’époque. On le voit d’un mauvais oeil à la Cour et on lui reproche ses relations avec les milieux libertins, qui désignaient à l’époque les personnes en délicatesse avec la religion.

L’homme s’adonne aux jeux de cartes, aux excès de boisson et gastronomiques, à des débauches diverses dans son hôtel particulier à Paris. Il est devenu obèse et les témoins racontent ce qui ressemble fort à la déchéance physique d’un homme dépressif.

L’un d’eux écrit. “Je fus voir hier, à quatre heures après-midi, M. le marquis de La Fare, en son nom de guerre M. de la Cochonnière, croyant que c’était une heure propre à rendre une visite sérieuse; mais je fus bien étonné d’entendre dès la cour des ris immodérés et toutes les marques d’une bacchanale complète”. Le visiteur, le chevalier de Bouillon, tente de le ramener à la raison mais le marquis a cette réponse pleine de superbe: “ou buvez avec nous ou allez, etc…” Le chevalier a l’honnêteté d’ajouter: “j’acceptai le premier parti et en sortis à six heures du soir quasi ivre-mort”.

Un autre témoin se souvient de ses brusques somnolences. “il dormait partout les dernières années de sa vie. Ce qui surprenait, c’est qu’il se réveillait net, et continuait le propos où il le trouvait, comme s’il n’eût pas dormi”.

L’homme est totalement usé. Le marquis de La Fare meurt à Paris le 19 mai 1712. Il avait soixante-huit ans. Il mérite de sortir de l’oubli relatif dans lequel il est tombé! Ce billet n’a pas d’autre ambition.